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23 février 2018. Une recherche, des rencontres

le 21 mars 2018

Nous sommes parti.es en voyage de recherche

À la recherche de quoi ?
Sûrement de l’inattendu, de l’imprévisible.
Nous sommes partie.s des angles suivants : comment réinventer l’Escargot Migrateur ?
Comment continuer autrement ? Avec d’autres modèles économiques pour les années à venir, plus durables, moins dépendants de financements « instables » ...

Comment ça se passe la solidarité entre structures, entre collectifs ici ?
Comment ça marche les modèles économiques solidaires ?
Et dans les contextes de crise économique et politique, c’est quoi qui se pérennise ?
C’est quoi ici l’éducation populaire ? La définition de « communautaire » ?
Comment l’éducation populaire fonctionne, se finance, dans les contextes de crise que vit l’Argentine ?

Avec un président français qui n'a de différente que la sonorité finale de celui Argentin au pouvoir depuis 2 ans, nous sommes tentés de comparer, de chercher à anticiper, d’analyser les épreuves d’ici et de là-bas.
De quoi les compagnons argentins veulent nous prévenir ? Qu’est-ce qui les a surpris à l’arrivée de Macri au pouvoir ?
Le capitalisme sous toutes ses formes frappe fort ici en Argentine. Les compagnons sont au front des enjeux à grandes échelles du monde d’aujourd’hui, dans le plus petit quartier, le plus petit lopin de terre de Patagonie. Les oppressions concrètes et les luttes à mener sont bien visibles et mises en évidence.

Et donc des rencontres.

Une rencontre avec Marina, avocate qui milite à l’asso LGBT de Buenos Aires, pour un travail à l’échelle plus institutionnelle et légale de la reconnaissance des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres Argentines.
Une belle discussion sur l’échelle à laquelle on choisit d’agir.

Des rencontres à El Bolson, avec Rodrigo Tornero de la FM Alas (déjà rencontré à Buenos Aires, il y a 6 ans à Buenos Aires par Lucile et les Galapiat, dans des échanges de cirque, à la radio La Tribu), radio communautaire au cœur des questions de lutte et de mobilisation du territoire Patagon, le lien avec les communautés Mapuches.
À la Alas, ici à El Bolson, on est au cœur de la toile d’araignée humaine. Alas fait le lien avec les Mapuches, avec les mobilisations en cours. Parce que la Patagonie et le coin d’ici, sont bien au cœur de sacrés enjeux. Des enjeux d’ici et d’ailleurs. Ils les ont tous. Ils les prennent en pleine face.
L’invasion de Benetton qui achète des terres, des terres, encore des terres, vole des animaux aux communautés Mapuches.
Les Belges qui achètent la montagne, pour construire une station de « heliski ». La montagne a un propriétaire.
Ceux et celles qui sont au front, ce sont les Mapuches. Qui occupent des terrains. Occupent pour préserver des pans de liberté. Des pans de nature.

Rencontre avec Chacho, représentant du conseil des Mapuches, une organisation qui lutte depuis 30 ans à la reconnaissance des territoires et du peuple Mapuche.

Rencontre avec Valeria et Daniel, investis depuis 30 ans dans la « communication populaire » (reprise en main de leur communication par les communautés, travail sur leur identité propre… ) et les radios communautaires, persuadés de l’importance d’activer autour des médias les questions du sens : Pourquoi ? Pour qui ? Avec qui ?

Rencontre avec Claudia Korol, membre de l’association Panuelos Rebeldes, association d’éducation populaire qui travaille sensiblement sur le même type d’activité que nous, et accompagne, « systématise », théorise, transmet les pratiques de féminismes populaires.
Mouvement allié des Mères de la place de Mai.

Rencontre avec Betty, co-fondatrice du Centre Culturel Galeano d’El Bolson, cette petite fée artiste et activiste, qui nous met en lien avec ces aventures communautaires passionnantes.
Fille de Noémie, qui a étudié à la Sorbonne et a travaillé à Peuple et Culture, Betty part en mai à une rencontre d’éducation populaire latino-américaine à Cuba « Presencia de Paulo Freire ».

Pablo, instituteur-clown, il met du clown pour enseigner, gérer les conflits. C’est le président du Centre Culturel Galeano.

On a aussi passé du temps avec Delphine et l’équipe de « Carperos », du chapiteau, implantée pour l’été à côté du centre culturel.
Ici ils cherchent comment aller dans les quartiers. Comment travailler avec les autres, ceux qui ne viennent pas au chapiteau. Un lieu de vie. Un lieu de solidarité. Un lieu repère. Du clown. Beaucoup. Des variétés. Plein.

Puis nous revenons à Buenos Aires, pour avoir le plaisir de rencontrer Amanda Toubes, grande dame de 80 ans, universitaire philosophe, qui a lutté toute sa vie pour insérer l’éducation populaire à l’université. Elle milite toujours pour une conscience politique dans l’éducation, la formation, que la recherche serve à résoudre les problèmes réels et quotidiens que pose la société.
Elle a étudié en France, eu Joffre Dumazdier comme tuteur, a utilisé l’entraînement mental pour analyser, comprendre et agir sur les tortures pendant la dictature.

Et c’est enfin Clara, du collectif de la Facc (Fuerza artistica de choque comunicacional), que nous rencontrons pour découvrir ce beau travail précis et minutieux d’intervention artistique et politique dans l’espace public, porté par un collectif d’une cinquantaine d’artistes, qui interviennent dans tout le pays.
Associés à Lavaca, collectif de graphistes engagés, ils font parler d’eux.

Nous retrouvons aussi les amis du Circuito Barracas, qui font du théâtre communautaire. Marina, Ricardo, Corina, Nestor et une bonne partie de l’équipe. Répétition de retour de vacances. Des chants, des corps, du mélange disciplinaire singulier. Un travail depuis 30 ans dans ce quartier « el fundo de Barracas ». Magique.

On finit le voyage, par une grande manifestation, qui rassemble des milliers de personnes contre la misère qui se généralise, l’augmentation du prix de l’électricité, la baisse des revenus des retraités, la baisse des salaires, l’inflation… une crise économique et politique très fortes.
On la traverse avec Pipi, du syndicat de métro de Buenos Aires : une leçon de syndicalisme, où les questions de genre sont au centre du travail du syndicat.

Sans oublier les ami.es d’ici et de là-bas qui nourrissent notre compréhension de quotidien : JuanMa, Elena, Laura, Dany, Mariana, Lali, le Tio et la famille de Brian, Chuca, Eve, Joakin, Louise, et Delphine…

Et puis Tanguy découvrira la Ex-esma, ancien centre de torture et QG de la dictature des années 1970.
Il est vital de revenir sans cesse à l’histoire, pour comprendre le présent. La répression actuelle, les disparition, les prisonnier.es. politiques d’aujourd’hui, sont les pratiques d’hier, sous un régime démocratique élus par le Peuple…

Notre cerveau est en ébulition. On cherche. On trouve. On cherche encore. On partage nos réflexions en l’état. Nos états de réflexion.

Ailleurs. Ici. Loin. On se sent comme jamais, dans ce sentiment de destin commun, celui qui renforce, celui qui rend plus fort. Celui qu’on chemine après ou avec Paulo Freire, avec Augusto Boal, avec les zapatistes. Ils sont là, tout près. C’est dingue ici. On les sent encore présents avec nous.
Alors l’ailleurs, des fois, il nous permet de connecter avec nos voisins.
Mais quand on se sent voisins avec ceux qui vivent sacrément loin, alors quelle force !

C’est marquant ici d’être tout près des montons qui appartiennent à Benetton, qui vend les pulls que nous portons. D’être aussi tout près de la gendarmerie qui assassine Santiago Maldonado, militant en soutien à la cause Mapuche, et Niguel, Mapuche en soutien à sa tante sur l’occupation d’un terrain.

La solidarité est une nécessité.
Être en collectif est une question de survie.
Se sentir épaulé, soutenu, fier d’être ensemble est central. L’entreprise capitaliste qui tue des peuples, extermine à petit feu des territoires, des gens, des histoires, des fonctionnements collectifs ancestraux, gagne du terrain.
Encore et toujours, ils inventent des stratégies. Individualiser le rapport au travail, individualiser nos carrières, nos enjeux, nos portes-monnaies, nos habitats, nos désirs. Renforcer nos besoins de consommer.
Consommer consommer. Toujours.

Consommer moins. Pour vivre plus. Pour exister et résister plus.
Il s’agit de s’unir. S’unir pour recréer les solidarités nécessaires à la survie des peuples et des humanités.

Plus que jamais, serrons-nous les coudes, dans les récits. Les récits de nos histoires ratées, et des victoires.
Plus que jamais, serrons-nous les coudes, dans les actions. Les actions de chacun, chacune.
Soutenons les émancipations de chaque groupe, chaque peuple, en venant renforcer les puissances. Sans éteindre ce qui met en action. Le besoin précis, réel et quotidien d’une communauté. De membres d’une communauté.

"Attaquer le capitalisme ça n'est pas du terrorrisme, c'est de la dignité."
 

Petits Focus :

Le Communautaire - Los espacios communautarios
On essaye de définir ce qu’ils entendent ici derrière ce mot-là.
Chez nous, il est chargé d’un aspect négatif : les communautés c’est ceux et celles qui restent entre elles, et sont un danger, un groupe cloisonné et fermé. Un danger pour la nation.
Ici le comunotario, c’est sacrément fort et vu comme positif. On essaye avec Rodrigo, de le définir. C’est sûrement ce qui n’est pas dépendant de l’État. Ni par des subs, ni par des injonctions. C’est un endroit de recherche horizontal. Et c’est aussi un endroit de solidarité économique entre ses membres.
C’est peut-être ce qu’on appelle chez nous, « le participatif ». Mais le participatif, il est aussi lié à des injonctions et des financements de l’État...

Le Territoire
C’est quoi un territoire ? « C’est ce qui définit ce qu’on y fait » nous dit Chacho avec toute la simplicité du monde.
Mais pourquoi des gens viennent imposer sur un territoire des projets sans demander l’avis à celles et ceux qui pratiquent, qui vivent, qui y habitent ?
Et alors on fait quoi quand on fait des « projets de territoire » ? On demande à ceux et celles qui habitent et vivent le territoire, ce qu’ils souhaitent réellement ? On leur impose de la culture. Parce que la culture c’est important. Parce que la culture, c’est ça qui changera le monde. Mais quelle culture impose-t-on ?
Dans la culture et l’identité Mapuche, le territoire, il n’a pas de propriétaire. Il a des gens qui vivent, qui cultivent. Mais pas de propriétaire. Un territoire c’est bien plus que la production de produits. C’est un tout. C’est une partie du tout.
Benetton, Lewis, les entreprises, ne voient pas ça pareil. Ils veulent surtout s’imposer ici.